Ma vie en 16/9eme si près, si loin - Valérie Simonnet

Valérie Simonnet nous fait le plaisir de partager un extrait de sa série photo “Ma vie en 16/9ème, si près, si loin”, réalisée pendant le confinement depuis sa fenêtre, comme quoi il n’est pas toujours indispensable d’aller au bout du monde pour faire de très belles images. Vous pouvez admirer une partie de ces images ici-même, sur sa page Facebook et prochainement dans une exposition et un livre qui arriveront à la fin du confinement, plus de détails en fin d’article.

Je laisse la parole à Valérie.


Comme beaucoup d’urbains j’habite une barre devant une autre barre.

Il existe une règle non écrite mais tacitement respectée dans les grands ensembles qui est de ne pas regarder chez le voisin comme on ne fixe pas des seins nus sur une plage (Kaufmann). On ne regarde pas, d’abord pour se protéger soi. Ne pas regarder c’est pouvoir s’imaginer que l’on ne vous regarde pas, c’est préserver ce qui est si rare dans ces milieux, l’intimité.

Un certain virus en me privant d’une possibilité d’exogamie photographique m’a contrainte à réinvestir ce qui était si près et si loin, si tabou.

Pendant le confinement j’ai donc photographié les fenêtres qui me faisaient face pour ne pas devenir folle et ne pas sombrer dans le ridicule de me photographier le nombril.  Pour continuer de travailler, trouver un lien avec moi et les autres qui me manquent tellement, j’ai regardé ce que l’on ne devait pas voir. J’ai enfreint la règle du droit à l’intimité pour tenter de nourrir mon besoin de lien, de dialogue. 

Depuis 10 ans je photographie l’abandon de l’homme dans la ville grouillante et tout d’un coup quand la ville est soudain dépeuplée non plus comme une dystopie mais comme une réalité,  m’est venue le besoin, l’exigence et le droit, de tacher d’attraper, peut être pour le sauvegarder quand il le perd, l’intime de l’homme.

C’est tout naturellement que m’est venue l’idée du format. 16/9eme.   16/9 eme c’est le format des fenêtres de mon ensemble mais c’est surtout le format photographique des grands paysagistes américains, celui des espaces infinis. Pour aborder le tabou de  l’intime je voulais paradoxalement faire dans le grandiose, le spectaculaire. Magnifier la démarche et éviter le trou de serrure sordide du voyeur au téléobjectif. Je voulais chaque image comme une fable, une allégorie qui échappe au temps et au contexte comme je souhaitais m’en arracher moi-même. Parvenir à décoller du réalisme documentaire pour offrir une émotion intemporelle, un souvenir de ce moment arraché au temps.

Beaucoup de difficultés dans ces prises de vues comme toujours avec les reflets. Les distances focale entre les plans de fenêtre, d’appartement et ceux des reflets, souvent à plus de 100m rendent les conditions de mise au point extrêmement acrobatiques surtout en condition de lumière difficile. Heureusement il faisait souvent très beau.

A chaque cliché je me posais la question du droit à l’image, du droit à l’intimité et à la tranquillité de ces personnes mais plus encore de la qualité de mon regard sur mes voisins, mes semblables. Avais-je quelque chose à dire de leur intimité ? 

De leur intimité assurément non, de la mienne semble-t-il beaucoup. On ne photographie jamais que soi. Ces images de mes voisins, je m’en suis rendue compte très vite, ne parlaient que de moi, de mes rêves, de mes visions, de mes angoisses et de mes ennuis.

Au sens propre comme au sens figuré puisque ce que je voyais dans les fenêtres plein nord de mes voisins c’était le reflet de mon propre immeuble.

 
 

Valérie Simonnet       contact@simonnetvalerie.fr

10 photos issues d’une série de 100

http://www.simonnetvalerie.fr

instagram : simonnetvalerie

La série a été remarquée et va donner lieu à une exposition à une date pour l’instant indéterminée en fonction de la reprise des événements culturels et à un livre auto édité qui devrait sortir pour le déconfinement le 11 mai.

http://www.voir-et-dire.net/?Valerie-Simonnet-Ma-vie-en-16-9

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